Celui qui préfère mordre la main que tu lui tends
Je fomentais un projet.
Mon ventre ressemble de plus en plus à celui de ma mère. Il leur a fallu 3 ans pour découvrir que c'était un sarcome et incurable.
Je me soigne à ma façon et très sûrement. Sans panique. Et puis vous connaissez ma position sur la mort. Elle ne me pose pas de problème. Je vais avoir 63 ans dans quelques mois, ma mère est morte à 65. Quand je vois mes vieilles copines de 85 ans, je pense aujourd'hui que ma mère a eu de la chance d'éviter "le grand âge". Par contre elle n'a pas eu de chance d'être prise en main par "les médecins", de subir des traitements douloureux et dégradants. De vivre cette dernière année dans l'ambiance terriblement angoissante du milieu hospitalier. J'aurai voulu lui éviter ça, je me l'éviterai.
J'accepte de mourir. J'accepte de vieillir.
Ils disent que "les vieux" coûtent un fric fou à la sécu. Mais on a fait de la vieillesse une maladie contre laquelle il faut lutter ! Hélas, c'est LA maladie incurable par excellence.
D'ailleurs ce n'est pas une maladie, c'est le cours inéluctable et normal de la vie. On surmédicalise les séniors pour leur accorder quelques années de semblant de vie. Du lit au fauteuil, de la porte à l'évier, du médecin à la pharmacie. Les vieux ne veulent plus avoir mal (mais rien ne les soulage en fait), ils ne veulent plus boiter, ne veulent plus mal entendre, mal voir... C'est prothèses, opérations et médicaments à tour de bras. Pour rien.
Cautère sur jambe de bois. Mais on continue, on veut y croire. Ils viennent de changer la prothèse de genou d'une amie de 83 ans. Elle avait mal et vivait mal de devoir utiliser une canne. Ce qui était normal autrefois. Alors ils lui ont mis une prothèse toute neuve. Elle a été en soins de suite un mois. Elle rentre chez elle. Elle a mal, elle boîte. Mais jamais les médecins ne reconnaissent leur incapacité à guérir, l'inutilité de leurs prescriptions. Le poids repose sur vous. C'est vous qui ne guérissez pas. Eux ont fait le job. Obligation de soins, pas d'obligation de guérir.
Bref, je réfléchis donc à la succession après mon décès qui sera compliquée avec les charmants qui attendent leur heure, la haine leur coulant au coin des lèvres.
J'ai eu l'idée d'ouvrir un compte joint avec mes enfants pour pouvoir, le moment venu, y mettre à l'abri des charmants ce que je jugerai nécessaire.
J'en parle a mes enfants. Numéro deux me dit OK, Numéro un m'appelle (lui qui ne m'appelle jamais spontanément), me fais la leçon, me parle d'assurance-vie, qui n'est pas appropriée à ce que je veux faire, il me dit de mettre de l'argent sous mon matelas, me dit que les "boomers" ont des problèmes de riches, queje suis mal informée et que je dois arrêter d'écouter n'importe quoi, que l'euro-numérique ne sera pas, que la guerre n'est pas une menace... Bref il me fait une leçon de vie et d'histoire, oubliant que j'ai plus vécu, lu, vu de choses que lui, et que là en l'occurence je ne cherche qu'à protéger mes enfants de la méchanceté des charmants qui va se déchainer dès qu'ils apprendront ma disparition.
Il finit par me dire des choses vraiment méchantes et me raccrocher au nez. Comme chaque fois que je rencontre, ou parle avec cet "enfant", je me sens méprisée, détestée, jugée. Je ne sais pas pourquoi, je ne comprends pas. J'ai tellement fait pour lui (renoncé à ma carrière dans l'audiovisuel pour commencer). Je l'ai soutenu dans toutes ses difficultés, j'ai essayé de lutter SEULE contre la dyspraxie qui n'était pas encore reconnue à l'époque, j'ai inventé des méthodes pour l'aider, j'ai cherché des solutions, je l'ai défendu quand il était indéfendable. L'alcool et la drogue, je n'ai rien pu faire. Il était en âge de prendre ses décisions seuls, celles pour se détruire, celles pour se guérir. Ce n'était plus en mon pouvoir, ni de ma faute. Je pense qu'à l'adolescence les enfants nous échappent, et ce sont les rencontres qu'lls font à ce moment là qui les modèlent. Lui avait tellement besoin de reconnaissance avec cette dyspraxie qui lui bouffait la vie, il a voulu prouver qu'il pouvait être plus fort que les autres. Jusqu'à se mettre en danger. Mais aujourd'hui c'est comme s'il me faisait porter le poids de tout ce qui lui est arrivé de négatif. Sa naissance difficile, son enfance compliquée, sa grand-mère qui le manipulait, ses difficultés, ses addictions, et maintenant sa copine qui s'enfonce dans une maladie sans fond (d'autant qu'ils s'en remettent à la médecine officielle pour la soigner, et que donc elle a très peu de chance d'en sortir). Un peu comme ma soeur, il a fait souvent les mauvais choix, et m'en veut à moi. Moi sa mère qui l'aime, qui l'ait soutenu, qui ne vit que pour essayer de lui préparer, avant de quitter ce monde sans regretter, un avenir meilleur.
Cette année sera celle de ses 40 ans.Il vit seul. Lui et sa "copine" ont fait le choix dès le départ de ne pas vivre ensemble, et comme il ne veut vivre qu'à Paris intramuros il habite chez son père qui lui vit comme un clochard dans les yvelines dans un gourbis loué à prix d'or par la belle-soeur à qui il a donné une maison il y a 30 ans... Bref. Tellement plus facile de s'en prendre à moi.
Je constate autour de moi, que les mères qui ont été plus médiocres et moins méritantes que moi, sont finalement plus aimées, respectées et prises en considération.
Quand fils numéro deux reviens d'un périple en asie, "malaisie- thailande- singapour- cambodge" qu'il m'explique que l'impact carbonne de mon diésel est honteux, et que c'est vraiment compliqué de venir me voir en Bretagne,que je sais déjà que lorsqu'il viendra ce sera 3 jours, comme un os qu'on donne à ronger à son chien affamé pour qu'il ne crève pas...
Alors si mes enfants je crève. Mais je ne vous le dirai pas. Je ne vous donnerai pas cette satisfaction d'être venus me voir parce que je vais mourir. C'est de mon vivant que je veux vous voir, de mon vivant que je veux partager de joyeux moments, sincères, pleins d'amours et de complicité. De mon vivant et tant que je suis en santé.
Je voulais juste vous mettre un peu d'argent sur un compte, pour que vous ayez la chance que je n'ai pas eu. Avoir un petit héritage pour démarrer un projet. Moi je me suis battue toute ma vie et tout ce que j'ai je l'ai gagné, en travaillant ou par stratégie, mais rien ne m'a été donné facilement.
Une fois encore numéro un mord la main que je lui tends pour l'aider. Je cesse. C'est décidé. Dans un naufrage, tu peux finir par te noyer à vouloir sauver les autres. Alors mon fils, sauve-toi toi-même, ta copine m'a signifié par msn il y a peu qu'elle a tout compris à sa maladie (elle espionne mon FB, sauf que je le sais bien et que je ne publie en public que ce que je veux qu'elle lise). Restez tous les deux dans vos erreurs et vos amertumes. Ce n'est pas comme ça qu'on se construit un avenir serein et heureux.
J'arrête. Je vais profiter de la vie et de mes sous (mine de rien mes articles pour le journal mettent du beurre dans les épinards). J'ai des projets, pour améliorer ma maison que j'aime tant. Que j'aurais voulu que vous aimiez, que vous la considériez comme un havre de paix, un endroit où venir se ressourcer. Vous préféréz l'Asie, ou la Grèce, les Canaries, la société de consommation a bien fait son boulot. Vous niez vos parents, votre famille... Vous m'ignorez et ne jugez pas nécessaire de me donner des nouvelles ni même d'en prendre.
Je cesse donc dès aujourd'hui de tendre la main.
En juillet j'ai un rdv médical pour ma voix (je n'en attends rien mais JM y tient). J'ai pris une chambre d'hôtel, je ne demanderai à aucun de vous de m'héberger une nuit. Et je ne chercherai pas à vous voir. Je vais à Paris, me soigner et me promener. Juste moi. Pour moi.
Et si je m'autorisais enfin à ne pas me sentir coupable des décisions des autres, et non obligée de racheter les erreurs qu'ils font. Non plus que je ne suis responsable des erreurs de cette famille depuis des siècles et des siècles. Quand d'autres prenaient l'ascenseur social, cette famille a choisi de rester au rez de chaussée. Moi j'avance, je mène ma barque. Tant pis si mes enfants ne veulent pas monter dedans.
Mon mari vit très bien sans jamais penser à ses enfants. Je vais m'efforcer de ne plus souffrir de ne pas voir les miens.
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